Paris,
26 décembre 1714
L’histoire est parfois une science dangereuse et le pauvre Nicolas
Fréret, qui vient d’être arrêté et conduit à la Bastille, en a fait aujourd’hui
la douloureuse expérience. Ce jeune prodige d’érudition, qui fut admis dès
l’âge de dix-neuf ans dans un groupe d’académiciens illustres, a eu récemment
l’impudence de lire devant l’Académie des inscriptions, dont il est membre
depuis peu, un mémoire sur l’origine des français où il osait soutenir que les
francs étaient issus des ligues de peuples germaniques qui avaient envahi la
Gaule. C’était mettre en pièce le mythe glorieux selon lequel les francs
descendent des troyens qui, après la chute de leur ville, auraient trouvé
refuge en Gaule sous la conduite de leur roi Francion. Avant lui, les grands
érudits du siècle passé comme Etienne Pasquier ou François Hotman, avaient déjà
démontré le peu de fondement de cette trop belle histoire. Mais la légende
troyenne reste le dogme officiel, et sous le règne de Louis le Grand, il ne
fait pas bon contester au roi sa parenté avec Priam.
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