david lynch, twin peaks, la dame à la bûche







DAVID LYNCH, TWIN PEAKS, LA DAME A LA BÛCHE
Traduction : Nicolas Ccn

Pilote
Bienvenue à Twin Peaks. Je m'appelle Margaret Lanterman. J'habite à Twin Peaks. Je suis plus connue sous le nom de « Femme à la bûche ». Il y a une histoire là-dessous. Il y a beaucoup d'histoires à Twin Peaks. Certaines sont tristes, d'autres sont drôles. Certaines parlent de folie ou de violence. D'autres sont ordinaires. Pourtant, toutes laissent une impression de mystère. Le mystère de la vie. Parfois le mystère de la mort. Le mystère des bois. Les bois qui entourent Twin Peaks. Pour vous présenter cette histoire, je dirai simplement qu'elle a un caractère universel. Elle se situe au-delà du feu. Bien que peu de gens puissent comprendre cela. C'est l'histoire d'un grand nombre des gens, mais elle commence avec une personne. Et je la connaissais. Celle qui conduit à tous les autres s'appelle Laura Palmer. Laura est la clé.
1
Je porte une bûche. Oui. Vous trouvez ça drôle ? Moi pas. Il y a des raisons à toute chose. Ces raisons peuvent même expliquer l'absurde. Avons-nous le temps de cerner les raisons des comportements humains ? Je ne crois pas. Certains prennent le temps de le faire. Les appelle-t-on des « inspecteurs » ? Regardez et voyez ce que nous enseigne la vie.
2
Parfois, les idées, comme les hommes, surgissent pour nous dire bonjour. Elles se présentent, ces idées, avec des morts. Sont-ce des mots ? Ces idées parlent d'une façon si étrange. Tout ce que nous voyons dans ce monde s'inspire des idées que quelqu'un. Certaines idées sont destructrices. D'autres constructives. Certaines idées viennent parfois sous la forme d'un rêve. Je peux le répéter. Certaines idées viennent sous la forme d'un rêve.
3
Il y a de la tristesse dans ce monde, car nous sommes ignorants de bien des choses. Oui. Nous sommes ignorants de beaucoup de belles choses. La vérité, par exemple. Dans notre ignorance, la tristesse est donc bien réelle. Les larmes sont réelles. Quelle est cette chose qu'on appelle une larme ? Nous avons même de petits canaux pour produire ces larmes quand nous sommes tristes. Puis, lorsque la tristesse survient, nous nous demandons : « Est-ce que cette tristesse qui me fait pleurer, est ce que cette tristesse qui me brise le cœur s'arrêtera un jour ? ». Bien entendu, la réponse est oui. Un jour, la tristesse s'arrêtera.
4
Même ceux qui rient sont parfois sans réponse. Ces créatures qui se présentent mais qu'on jurerait avoir déjà croisé quelque part. Oui . Regardez dans le miroir. Que voyez-vous ? Est-ce un rêve ou un cauchemar ? Nous présent-t-on contre notre gré ? Sont-ce des miroirs ? Je vois la fumée. Je sens l'odeur du feu. La bataille se rapproche.
5
Je joue mon rôle sur la scène de la vie. Je dis ce que je peux pour formuler la réponse parfaite. Mais tous doivent d'abord être prêts à l'entendre. Donc, je dis ce que je peux pour formuler la réponse parfaite. Parfois, ma colère envers le feu est évidente. Parfois, ce n'est pas vraiment de la colère. Cela en a peut-être les apparences, mais se peut-il que ce soit un indice ? Le feu dont je parle n'est pas un feu bienveillant.
6
La beauté est quelque chose de subjectif. Pourtant, elle nous ouvre les yeux. On dit que les yeux sont le miroir de l'âme. Nous examinons donc les yeux pour connaître la nature de l'âme. Parfois, lorsque nous voyons les yeux, ces moments terribles où nous voyons les yeux, ces yeux... qui n'ont pas d'âme, nous entrevoyons les ténèbres. Puis nous nous demandons : « où est la beauté ? ». Il n'y en a pas si les yeux sont dépourvus d'âme.
7
Un homme ivre marche d'une façon qu'un homme sobre ne peut imiter et vice-versa. Un homme malveillant a une attitude propre. Aussi intelligente soit-elle, à l’œil exercé, son attitude se révélera. Mon propos est-il trop énigmatique ? Non. On ne peut jamais répondre aux questions au mauvais moment. La vie, comme la musique, a son propre rythme. Cette chanson-ci s'achèvera sur trois notes aiguës, comme de funestes battements de tambour.
8
C'est encore moi. Pouvez-vous voir à travers un mur ? Pouvez-vous voir à travers la peau d'un homme ? Les rayons X voient à travers les objets soi-disant solides. Dans la vie, certaines choses existent, pourtant nos yeux ne les voient pas. Avez-vous déjà vu un phénomène surprenant que personne d'autre n'a vu ? Pourquoi certaines choses échappent-elles à notre vision ? La vie est-elle un puzzle ? Je suis pleine de questions. Parfois, mes questions trouvent des réponses. Dans mon cœur, je sais si la réponse est correcte. Je suis mon propre juge. Dans un rêve, tous les personnages vous représentent-ils ? Sont-ils différentes versions de vous ? Les réponses viennent-elles dans les rêves ? Autre chose : j'ai grandi dans les bois. Je comprends beaucoup de choses grâce aux bois : les arbres qui poussent ensemble, les uns à côté des autres et qui nous apportent tant de choses. Je mâche de la gomme de résine. Sur l'écorce des pins de Patagonie, par exemple, la résine peut suinter. La résine liquide n'est pas bonne à mâcher. La résine dure et cassante non plus. Mais entre les deux, il existe une résine ferme, avec une fine croûte, et très parfumée. C'est cette résine que je mâche.
9
« Sur ciel comme sur Terre. » L'être humain, quant à lui ou à elle, se trouve au milieu. Proportionnellement, il y a autant d'espace à l'extérieur de l'homme qu'à l'intérieur. Les étoiles, la Lune et les planètes nous rappellent les protons, les neutrons et les électrons. Y a-t-il un être plus grand que nous portant toutes les étoiles en lui ? Nos pensées influencent-elles le monde extérieur et notre monde intérieur ? Je crois que oui. Quelle place a la crème de maïs dans le fonctionnement de l'univers ? Qu'est vraiment la crème de maïs ? Est-ce le symbole d'autre chose ?
10
Les lettres sont des symboles, des cubes qui constituent les mots qui forment nos langues. Les langues nous aident à communiquer. Même avec des langues compliquées, parlées par des gens intelligents, les malentendus sont monnaie courante. Parfois, on écrit des choses : des lettres, des mots, en espérant qu'ils nous aideront, nous et ceux avec qui on veut communiquer. Des lettres et des mots réclamant la compréhension.
11
Le manque de communication peut conduire à des disputes, et les disputes peuvent conduire à des bagarres. La colère est souvent présente dans les disputes et les bagarres. La colère est une émotion, généralement classée dans les émotions négatives, celles qui peuvent causer de graves problèmes autour de nous ainsi que sur notre santé physique. Le bonheur, généralement classé dans les émotions positives, peut vous apporter une bonne santé et diffuser des vibrations positives autour de vous. Parfois, quand nous sommes malades, nous ne nous comportons pas très bien. Quand je dis « malade », je veux dire : malade physiquement, malade sur le plan affectif, malade mentalement et / ou malade spirituellement.
12
Parfois, la nature nous joue des tours et nous nous prenons pour autre chose que ce que nous sommes. Est-ce une des clés de la vie en général ? Ou est-ce comme l'affaire du schizophrène à deux têtes ? Chaque tête pensait que l'autre la poursuivait. Un jour, quand une des têtes ne regardait pas, l'autre lui a tiré dessus entre les deux yeux, et bien sûr s'est tuée aussi.
13
Parfois, nous voulons nous cacher de nous-mêmes, nous ne voulons pas être nous-mêmes. C'est trop difficile d'être nous-mêmes. C'est alors que nous nous tournons vers la drogue ou l'alcool, ou vers un comportement qui nous fait oublier que nous sommes nous-mêmes. Bien spûr, ce ne sont que des solutions temporaires à un problème récurrent. Et parfois, ces solutions temporaires nous sont plus néfesates que le problème original. C'est vrai, c'est un dilemme. Y a-t-il une réponse ? Bien sûr qu'il y en a une. Comme quelqu'un de sage l'a dit en souriant : « La réponse est dans la question. »
14
Un poème aussi beau qu'un arbre : « Alors que souffle le vent de la nuit, les branches bougent dans un doux bruit, Le bruissement, Le bruissement magique qui amène le rêve effrayant, Le rêve de souffrance et de douleur, La douleur pour la victime, La douleur pour celui qui inflige la douleur, Un cercle de douleur, Un cercle de souffrance, Malheur à ceux qui voient le cheval pâle. »
15
La nourriture est un sujet intéressant. Par exemple, pourquoi avons-nous besoin de manger ? Pourquoi ne pas se contenter de la quantité nécessaire pour rester en bonne santé et avoir assez d'énergie ? Nous en voulons toujours plus. Quand on mange trop, l'équilibre est perturbé et les ennuis de santé apparaissent. Bien sûr, quand on ne mange pas assez, l'équilibre est perturbé à l'opposé. Et les ennuis de santé nous rattrapent. L'équilibre est la clé. L'équilibre est la clé de nombreuses choses. Est-ce que nous comprenons le mot « équilibre » ? Le mot « équilibre » a 9 lettres. 9 n'est pas un chiffre facile à équilibrer. Mais ce n'est pas impossible, si on sait diviser. Mais bien sûr, il y a les pro et les anti-division.
16
Et maintenant, arrive la tristesse. La révélation. Il y a une dépression une fois que la réponse a été donnée. C'était presque amusant de ne pas savoir. Oui, maintenant, nous savons. Du moins, nous savons ce que nous cherchions à l'origine. Mais il y a toujours la question du pourquoi. Et cette question persistera jusqu'à la réponse finale. Alors, on saura tant de choses qu'il n'y aura plus de place pour les questions.
17
Des complications surviennent. Oui, des complications. Combien de fois avons-nous entendu : « C'est simple. » Rien n'est simple. Nous vivons dans un monde où rien n'est simple. Chaque jour, alors qu'on pense maîtriser une situation, un nouvel élément s'ajoute soudainement et tout redevient compliqué. Quel est le secret ? Quel est le secret pour atteindre la simplicité, pour atteindre une vie pure et simple ? Nos appétits et nos désirs nous affaiblissent-ils ? La charrue est-elle devant les bœufs ?
18
La vie est-elle une partie d'échecs ? Nos décisions sont-elles importantes pour nos succès futurs ? Je pense que oui. Nous peignons notre futur avec chaque coup de pinceau quotidien. La peinture, les couleurs, les formes, les textures, la composition, la répétition des formes, les contrastes. Laissons la nature nous guider. La nature est le meilleur professeur. Qui est le principal ? Parfois, les blagues sont les bienvenues, comme celle du gamin qui disait : « J'aimais bien l'école. C'était juste le principal ».
19
Le chien est-il le meilleur ami de l'homme ? J'avais un chien. Ce chien était gros. Il a mangé mon jardin, toutes mes plantes et beaucoup de terre. Il a mangé tellement de terre qu'il en est mort. Son corps est retourné à la terre. J'ai un souvenir de ce chien. C'est tout ce qu'il me reste de mon chien. Il était noir et blanc.
20
Mon mari est mort dans un incendie. Personne ne peut imaginer mon chagrin. Mon amour m'a quittée. Mon ami le plus cher m'a quittée. Pourtant... Je le sens près de moi. Parfois, je peux presque le voir. La nuit, quand le vent souffle, je pense à ce qu'il aurait pu être. Et encore une fois, je me demande : « Pourquoi ? » Quand je vois un feu, je sens la colère monter en moi. Ce n'était pas un feu ami. Ce n'était pas un feu de forêt. C'était un feu dans les bois. Je ne suis pas autorisée à en dire plus.
21
Le cœur. C'est un organe physique, nous le savons tous. Mais c'est surtout un organe émotionnel. Ca aussi, nous le savons. L'amour, comme le sang, découle du cœur. Y a-t-il un lien entre l'amour et le sang ? Est-ce qu'un cœur pompe le sang comme il pompe l'amour ? L'amour est-il le sang de l'univers ?
22
Un masque mortuaire. Y a-t-il une raison aux masques mortuaires ? Il ne s'agit pas de ressemblance physique. Après la mort, les muscles sont détendus, le visage a perdu son étincelle de vie. Un masque mortuaire est presque une intrusion dans un joli souvenir. Et pourtant... Qui pourrait jeter le moulage d'un être cher ? Qui ne voudrait pas l'étudier, le dévorer des yeux, en entendant au loin le sifflement lugubre d'un train de marchandises ?
23
Un hôtel. Une table de nuit. La poignée d'un tiroir. La poignée d'une table de nuit, dans une chambre d'hôtel. Que peut-il bien se passer sur ou dans cette poignée de tiroir ? Combien de poignées de tiroirs existent de par le monde ? Des milliers, peut-être des millions. Qu'est-ce qu'une poignée de tiroir ? Cette poignée de tiroir, pourquoi occupe-t-elle une place si importante dans la vie ou dans la mort d'une femme prise dans un enchevêtrement de pouvoirs ? Comment une victime du pouvoir peut-elle être liée à une poignée de tiroir ? Comment est-ce possible ?
24
Parfois... Disons même tout le temps, les choses changent. En tant qu'être humains, nous sommes jugés sur la façon dont nous traitons nos semblables. Comment traitez-vous vos semblables ? La nuit, juste avant de vous endormir, alors que vous êtes allongé seul, dans le noir , qu'est-ce que vous pensez de vous ? Êtes-vous fier de votre comportement ? Avez-vous honte de votre comportement ? Dans votre cœur, vous savez si vous avez blessé quelqu'un. Vous le savez. Si vous avez blessé quelqu'un, n'attendez pas un jour de plus pour arranger les choses. Le monde pourrait s'effondrer de tristesse avant que vous le fassiez.
25
Ce qu'il y a de plus beau dans les trésors, c'est qu'ils existent. Ils existent pour être trouvés. C'est si beau de trouver un trésor. Où est le trésor, qui une fois trouvé, vous rend éternellement heureux ? Je pense que nous savons tous qu'il existe. Certains disent qu'il est en nous, en nous tous, sans exception. Ce serait étrange. Il serait tellement près. Alors, pourquoi est-il si dur à trouver ? Et si difficile à atteindre ?
26
La tarte. Celui qui a inventé la tarte... Était une personne formidable. A Twin Peaks, nos spécialités sont la tarte aux cerises, et la tarte aux myrtilles. On fait aussi beaucoup d'autres sortes de tartes. Au Double R, Norma sait les faire mieux que personne. J'espère que Normal m'aime bien. Je sais que je l'aime bien et que je la respecte. J'ai craché ma gomme de résine et je l'ai collée sur ses murs, par terre et même sur ses banquettes. Parfois, je me mets en colère et je fais des choses dont je ne suis pas fière. J'adore les tartes de Norma. J'adore la tarte accompagnée d'un café.
27
Il y a des indices partout, tout autour de nous. Mais le fabricant du puzzle est malin. Bien que ces indices nous entourent, nous les confondons avec autre chose. Et cet « autre chose », la mauvaise interprétation de ces indices, nous l'appelons « notre monde ». Notre monde est un écran de fumée magique. Comment devons-nous interpréter le change joyeux de la sturnelle, ou le goût corsé d'une fraise des bois ?
28
Une bûche est une partie d'un arbre. Au bout d'une bûche, beaucoup d'entre vous le savent, il y a des cercles. Chaque cercle représente une année dans la vie d'un arbre. Un arbre met tellement de temps à pousser. Ça ne me dérange pas de vous dire certaines choses. Mais je dois taire beaucoup de choses. Remarquez que ma cheminée est condamnée. Je n'y ferai jamais de feu. Sur le manteau de la cheminée, dans cette urne, se trouvent une partie des centres de mon mari. Ma bûche entend des choses que je n'entends pas. Mais elle me retransmet ces sons, ces nouveaux mots. Même si elle a cessé de grandir, ma bûche est lucide.
29
Et maintenant, une conclusion. Où avant, il n'y avait qu'un, il y a maintenant deux. Ou y a-t-il toujours eu deux ? Qu'est-ce qu'un reflet ? L'occasion de voir les deux ? Quand il y a reflet, il y a toujours deux... ou plus. C'est seulement quand nous serons partout, qu'il n'y aura qu'un. J'ai été ravie de vous parler

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